Après les chiffres de l’Ofis ar Brezhoneg et les affaires Fañch. Matière à réflexion…
- Rédacteur
- 10 févr.
- 2 min de lecture
« Si la langue bretonne a fait l’objet d’un tel mépris, voire d’une telle volonté d’écrasement, c’est évidemment en raison de sa portée symbolique. Pour un peuple maintenu sous tutelle, défendre sa langue participe du processus même de résistance. Ainsi du catalan à l’époque franquiste. C’est une bannière culturelle que chacun peut arborer, une échappatoire pacifique. C’est d’ailleurs, peut-être, parce que la plus perfectionnée des armes ne logera jamais une balle dans un mot que la langue hérisse autant notre adversaire, le rend haineux et capable de redoubler de volonté perverse pour faire prévaloir son propre idiome. L’Éducation nationale française a ainsi tout mis en œuvre durant des décennies pour nier l’existence de notre langue, accomplissant un travail de laminage dans l’esprit des enfants bretons. Notre langue originelle n’avait pas droit de cité dans l’enceinte de l’école où elle était sévèrement réprimée.
En dépit des mesures de faible envergure prises ici ou là, la langue bretonne se vide chaque jour davantage de sa substance, mécaniquement, par raréfaction de ses locuteurs. Comme si, d’un matin sur l’autre, l’ouverture d’un dictionnaire révélait des espaces vierges au milieu des pages pleinement garnies la veille. Chaque jour, un peu plus de feuilles blanches et un peu moins de mots. Jusqu’au jour où l’ouvrage se trouvera privé en totalité de sa matière vivante. Alors il ne restera rien et la langue sera morte. Nous mettrons tout en œuvre pour que ce moment n’arrive pas… » (…)
« Le rôle attribué à la langue bretonne par ceux qui la connaissent si mal mais instruisent son procès avec tant de véhémence constitue pour nous un véritable sujet d’étonnement et de désolation : le motif récurrent en est le repli identitaire. Notre défense de la langue bretonne serait à l’image de l’hermétisme et représenterait même une hostilité au français. Mais c’est un réquisitoire facile, qui n’a jamais été étayé par le moindre commencement de preuve.
Or, notre position est exactement inverse ! Si nous voulons que notre langue demeure riche et vivante, donc pratiquée le plus largement possible, c’est aussi pour mieux l’offrir à tous ceux qui, venus de pays voisins ou plus lointains, nous ont rejoints pour participer à notre destin. Les accueillir avec une langue pleine de vitalité, c’est leur ouvrir en grand les portes de la Bretagne, leur faciliter l’accès à ce qui fonde notre culture depuis l’origine. » (…)
« Notre volontarisme dans la défense du breton va à l’encontre de l’argument qu’on nous oppose. Pour reprendre une idée chère à Léopold Sédar Senghor, politique et poète, chantre de la négritude, nous ne nous rendons pas les mains vides au rendez-vous de l’universel. Notre langue est cette chose précieuse que nous avons le désir ardent de protéger pour mieux la partager. »
Extrait du livre de Jean-Guy Talamoni (La Corse que nous voulons, Flammarion) mis à la sauce bretonne.
Commentaires