Tribune libre de Yvon Ollivier suite au voyage d’Emmanuel Macron à Mayotte : "L’arrogance et la gamelle…"
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- 23 déc. 2024
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Dernière mise à jour : 1 févr.

La récente visite du chef de l’Etat à Mayotte, riche de tensions et de propos véhéments à l’endroit des Mahorais dont « Sans la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde ! » nous ramène à l’arrogance française. L’arrogance est un rapport à l’Autre consistant à s’ériger en modèle absolu dont la supériorité ne saurait être contestée par quiconque, même en situation de crise.
Confrontés à la tragédie du cyclone Chido, au retard dans l’acheminement des secours et aux
atermoiements des responsables politiques parisiens, les Mahorais ne sont pas recevables à se plaindre. Ils ont la chance d’être français !
C’est ce rapport à l’Autre qui explique que le colonisateur historique est évacué du continent africain avec armes et bagages aujourd’hui. Et ce n’est que justice.
La France ne raisonne qu’en terme de pouvoir et de grandeur. Mayotte n’est qu’un confetti
d’empire, une terre conquise qui lui rappelle sa grandeur et nourrit son égo. Mais la chute est cruelle.
La volonté de grandeur ne fait pas bon ménage avec un Etat en quasi faillite, dont la survie ne tient plus qu’au bon vouloir des agences de notation.
Un plan Marshall pour Mayotte ? Personne n’en parle. Et qui le financerait sinon l’endettement
supplémentaire ? On pense que le salut viendra des fonds privés et d’une journée de deuil national !
Ce 22 décembre, l’Etat n’est pas encore capable de fournir le bilan des victimes.
Du côté de Mayotte, on attend quoi de la France ? Une protection par rapport à l’Etat comorien ?
Surtout la gamelle ! Rien que ça ! Une richesse que l’Etat français n’est plus à même de lui procurer.
Au contraire de leurs frères des Comores, les Mahorais ont choisi la France pour les allocations, quitte à devenir département et à rompre avec leur culture ancestrale et leurs traditions communautaires. C’est un choix lourd de conséquences.
Il y a longtemps déjà le chantre de la négritude, Aimé Césaire, regrettait que les Martiniquais aient cette tendance à renoncer à leurs libertés, préférant le cocon du statut départemental.
Comment se développer aux mieux, en s’essayant sur ses libertés et en espérant le salut et la
richesse de l’extérieur, en provenance d’une métropole souvent indifférente ?
Les Mahorais sont-ils plus riches ? Leurs droits sociaux restent bien inférieurs à la situation qui
prévaut en métropole. Surtout, ils rejettent leurs frères des Comores, qui ne cessent de rejoindre leur île, au nom d’une frontière hors sol dénoncée en son temps par l’ONU. On n’a pas le droit de couper un peuple en deux ! On en dirait autant de la frontière coupant la Bretagne en deux parties !
Il est cruel de voir un peuple et des familles entières s’entre-déchirer pour une part du gâteau de plus en plus réduite.
Les Mahorais sont-ils plus heureux ? Ils sont nombreux à quitter cet enfer pour rejoindre la
métropole et ses banlieues sordides où c’est peu dire qu’ils ne sont pas bien accueillis. Il arrive que les grandes métropoles se les « refilent » comme autant de fardeaux encombrants.
Coupés de leur culture, les familles mahoraises sont en souffrance en métropole. Leur tradition est que le village éduque les enfants. Livrés à eux-mêmes, ceux-ci sont éduqués par la rue, et deviennent souvent guetteur, la proie des trafiquants.
La gamelle procure t-elle le bonheur ? Je ne crois pas ce peuple heureux. Ne serait-il pas plus avantageux pour les Mahorais de vivre selon leurs valeurs et traditions communautaires, quitte à perdre certains avantages immédiats ?
Le véritable développement n’est-il pas le produit d’un peuple conscient de lui-même, libre de choisir son avenir, en symbiose avec sa terre et ses propres valeurs ?
Qu’importe d’être plus riche d’allocations à celui qui a perdu ses libertés.
La France nous montre ses limites. Elle est surtout en train de perdre son âme républicaine. Le droit du sol est victime de cette dérive mahoraise puisqu’il est désormais aménagé, avant de disparaître dans quelques temps. Demain, l’extrême droite au pouvoir le remettra en cause sur l’ensemble du territoire national.
A Mayotte, la république a amorcé son agonie.
Yvon Ollivier
"On n’a pas le droit de couper un peuple en deux !" C'est pourtant une pratique courante de la part des états nations et en particulier de la France-une-et-indivisible qui a coupé en deux les Catalans, les Basques ou les Flamands sans oublier nombre de peuples africains colonisés...