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A 12 ans, nous étions des Bagnards

Puisque l’affaire est enfin sortie, en lien avec celle de Betharram, il n’est pas inutile de l’évoquer, non pour se plaindre, mais pour réfléchir au sens de cette violence.

Avoir 12 ans au collège saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, c’était être plongé dans un monde qui ne fait plus sens aujourd’hui. Les collégiens qui savaient, l’avaient résumé du mot de « bagne ». La violence était partout, dans les classes, à la cantine, sur la cour de récréation. La violence s’insinue partout lorsqu’elle est autorisée.


Pour moi, c’était cette cantine où il fallait se battre pour avoir des frites le mardi midi, ces coups de compas en bois dans le haut des cuisses, pour un oui pour un non, ces baffes à répétition et ces oreilles qui sifflent. Le tympan appréciait peu. Les coups, j’en ai reçus, j’en ai donnés, j’en ai vu donner comme ce jeune qui ne voulait pas chanter une chanson stupide et qui finit par le faire, tabassé par deux enseignants. La tête au carré et le nez en sang, on chante beaucoup plus juste ! Tant d’autres images… Mais pour moi le collège Saint-pierre, c’était surtout cette boule au ventre à l’idée de prendre le car le matin, au Bot. 


Le pire peut-être, on trouvait ça drôle. C’est rigolo un jeune qui reçoit un coup violent dans le haut des cuisses et qui entame une danse de saint gui. Nous riions beaucoup. Et nous apprécions même certains enseignants, car c’est la loi des victimes de violences institutionnelles. L’éducation a été faite, sur le mode de la violence. Je sais aujourd’hui que ces deux mots-là ne vont pas ensemble. 


Pour le fameux fondateur de ce collège, la violence était un mal nécessaire pour faire de nous ces hommes parfaits qui serviront bien la patrie, dans le meilleur français possible, qui marcheront droit et travailleront dur sans jamais se plaindre, comme on le fait si bien dans le Léon.


Il faut savoir souffrir et la violence peut être expiatoire. Nous étions coupables de nos lacunes, de nos faiblesses en math, de nos difficultés d’apprentissage et de toutes nos imperfections d’enfants. 


On peine à penser que cette violence était autorisée expressément par nos parents qui ne nous voulaient que du bien. C’était un peu l’école de la deuxième chance avant l’heure pour les « cossards » que nous étions. Et dans le Léon, « les cossards », on n’aime pas trop. 

 

J’ai entendu Monseigneur l’évêque afficher sa surprise et son indignation légitime à l’égard de cette violence systématisée. Mais Monseigneur, toute l’agglo de Brest savait et même au-delà ! Et l’évêché de quimper n’était pas au courant ?  J’ai entendu Madame la directrice du nouveau collège Saint-Jean de la Croix, inquiète à l’idée d’être associée à tout ça ! Rassurez-vous Madame, cette violence ne vous atteindra jamais puisque c’est nous qui la portons. Lorsqu’on a connu le bagne à 12 ans, on vit toujours un peu la boule au ventre, chacun à sa manière. Ce peut être un peu plus d’alcool, parfois. Moi j’y pense très souvent en me disant qu’il n’est rien de pire que de battre un enfant. 

 

Yvon Ollivier

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