Dossier corse : La gauche la plus jacobine s’aligne sur l’extrême-droite
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- 17 avr.
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La contribution interne au PS sur la question corse proposée par une quarantaine de signataires, parmi lesquels 31 sénateurs et 3 députés socialistes, est un condensé des poncifs contre lesquels l’autonomisme corse se bat depuis plus d’un demi-siècle. Cette idéologie est d’un autre siècle que le nôtre, et elle est d’un autre monde que l’Europe. Elle est un cancer qui peut mettre en danger une démocratie comme la République française, et menacer gravement l’avenir de la Corse.
Initiée par le dirigeant du PS de Corse du Sud Jean Marc Ciabrini et un sénateur de Charente maritime, Mickaël Vallet, cette motion est proposée au vote du Congrès du Parti Socialiste qui doit se tenir en juin 2025. C’est un manifeste jacobin inspiré de « l’universalisme républicain » tel qu’il est conçu par le Conseil Constitutionnel, dont un ancien président, Robert Badinter, est cité en introduction. Ce texte transpire à chaque ligne cette idéologie qui veut arriver à l’uniformité des territoires, considérée comme consubstantielle à l’unité de l’Etat.
Pour eux « aucun critère historique ne justifie d’accorder un statut si différent » à la Corse, comme le proposent les « écritures constitutionnelles* » signées par les élus corses et Gérald Darmanin au nom du gouvernement et du Président de la République.
En cette année 2025 où l’on commémore à la fois le 300ème anniversaire de la naissance de Pascal Paoli et le 50ème anniversaire des événements d’Aleria, c’est avoir une approche bien singulière de l’Histoire que de considérer que celle de la Corse a commencé, et s’est arrêtée, le jour où elle a été rattachée, par la force des armes, au Royaume de France, puis, par l’exil forcé de Pascal Paoli, à une République jacobine une et indivisible.
Le propos est encore plus aveugle en ce qui concerne la période moderne de l’Histoire de la Corse. Les signataires ignorent-ils les soubresauts et les drames que la Corse a traversés depuis un demi-siècle ? Ils oublient les centaines de procès politiques intentés contre un peuple déterminé à aller vers sa liberté. Ils occultent les nombreux drames que la Corse a connus durant ces décennies de lutte. Ils ne retiennent que celui qui a coûté la vie au Préfet Erignac pour tenter de jeter l’opprobre contre ceux qui, au gouvernement, ont accepté d’ouvrir le dialogue avec les représentants légitimes d’un peuple corse qui, pour 68% de ses votants, a exprimé son soutien à une autonomie de plein droit et de plein exercice, et qui, au lendemain de l’assassinat encore inexpliqué d’Yvan Colonna dans sa prison de haute sécurité, a manifesté sa colère et sa volonté d’être enfin entendu. Pour ces signataires, répondre à l’attente d’une large majorité exprimée dans les urnes revient à « céder à la peur ».
D’ailleurs, le grand absent de leur contribution est le peuple corse lui-même. Aucune référence à son choix largement majoritaire pour un Exécutif nationaliste, à trois reprises successives, avec des scores toujours plus élevés en pourcentage et en voix. Pour ces démocrates à la sauce jacobine, la voix du peuple corse compte si peu qu’ils n’en font pas même état une seule fois dans leur long propos.
Mais leurs œillères ne sont pas qu’historiques. Elles occultent aussi la réalité bien ancrée de la prise en compte par les démocraties européennes voisines, à travers des autonomies diversifiées reconnues dans leurs constitutions, des différences culturelles, historiques, linguistiques et géographiques en leur sein.
Sur la notion d’insularité, leur intégrisme s’exprime sans retenue : « L’insularité doit être prise en compte (….) mais rien ne justifie qu’elle soit consacrée dans la loi fondamentale comme marqueur d’une appartenance spécifique ».
Vivons-nous dans la même Europe ? D’ailleurs ils ne parlent à aucun moment des autonomies législatives que connaissent la Sardaigne ou la Sicile en Italie, les Iles Baléares et les Canaries en Espagne, Madère et les Açores au Portugal, pour ne s’en tenir qu’aux pays du sud de l’Europe. Pour eux, inscrire l’insularité dans la loi fondamentale revient à « l’institutionnalisation du communautarisme », comme si la question corse avait un quelconque rapport avec l’islamisme.
Ces élucubrations de pré-Congrès socialiste n’auraient pas grande importance, sauf si ces 34 voix de députés et de sénateurs socialistes venaient in fine s’ajouter à celles de l’extrême-droite désormais sur-représentée au Parlement pour, une nouvelle fois, dire non à la volonté démocratique du peuple corse.
François Alfonsi ancien député européen
* « La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, ayant développé un lien singulier à sa terre.
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